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17/07/2024 Actus

Jonathan André : “Le pilotage d’un camion de course requiert énormément d’anticipation”

Paris, 17 juillet 2024 - Jonathan André Pilote Lion Truck Racing : “Le pilotage d’un camion de course requiert énormément d’anticipation”

Bercé dans le milieu de la course camions depuis sa plus tendre enfance, Jonathan André fait partie des piliers de l’équipe Lion Truck Racing fondée par le regretté Patrick Folleas. D’abord team manager et ingénieur de piste, il reprend le flambeau comme pilote au décès soudain d’Anthony Janiec à l’été 2022. Depuis, il ne cesse de progresser…

Était-ce une évidence pour vous de vous installer au volant après la disparition de votre pilote ?

J’ai toujours rêvé de faire de la compétition depuis tout petit. Mais je n’avais pas le budget, aussi je ne pensais pas réaliser ce rêve de gosse. J’étais déjà très heureux de travailler dans le milieu de la course camions. Quand Anthony est décédé, on était plusieurs actionnaires dans l’équipe, avec tous un avis différent. Certaines personnes voulaient arrêter complètement, d’autres voulaient repartir, moi mon seul souhait était de faire au moins Le Mans. Je ne voulais pas arrêter du jour au lendemain par rapport à nos mécaniciens, nos partenaires, nos fans, afin en quelque sorte de clôturer l’histoire. On a donc cherché des pilotes. Mais les pilotes de camions roulaient tous déjà soit dans le cadre du championnat de France, soit dans celui du championnat d’Europe, donc il n’y en avait pas beaucoup de disponibles. On avait pensé mettre un pilote de voiture, mais on craignait qu’il veuille faire aussi bien qu’Anthony et que ça se finisse mal… C’est en discutant un soir avec Pascal notre chef mécano, que l’idée a germé. Il m’a dit que le résultat pour lui n’était pas la priorité. Du coup, ça a fait tilt dans ma tête et j’ai proposé de relever le défi moi-même pour Le Mans. J’ai suggéré que l’on passe une journée à Nogaro, afin d’essayer si j’arrivais à conduire le camion. Si j’arrivais, je prenais le volant, sinon on cherchait une autre solution. Et comme ça s’est plutôt bien passé, ils m’ont dit ok.

Pourquoi cela a-t-il continué depuis ?

À la base, c’était censé être un one shot. J’ai réalisé un rêve de gosse, mais pas du tout dans les circonstances rêvées. Puis les résultats ont suivi. Au Mans, j’ai gagné une course. Moi-même, je ne m’attendais pas à ça. Forcément, cela m’a plu, l’équipe m’a suivi, les sponsors ont également dit qu’ils continuaient, du coup cela s’est fait assez naturellement.

Depuis, vous jonglez entre championnat de France et championnat d’Europe de la spécialité…

Même si j’ai gagné au Mans, je n’ai pas du tout le niveau d’Anthony, donc il faut encore que j’apprenne en France avant de pouvoir aller un jour je l’espère, gagner des courses en Europe. L’an dernier, on avait un but qui était le top cinq du championnat de France, j’ai réussi à faire cinquième. Cette année, je voulais faire entre troisième et cinquième, or là pour l’instant je suis quatrième, tout près du troisième. Donc c’est pile dans l’objectif, la troisième place étant encore jouable. Mais il faut que je prenne au moins trois saisons d’expérience avant de pouvoir être performant en Europe.

Quelles sont les sensations à bord d’un camion de course ?

C’est vraiment différent d’une voiture. Le freinage est vraiment très puissant. L’accélération aussi, car on a 1 200 chevaux. On a pont bloqué du coup cela se comporte un peu comme un karting, il faut vraiment gérer pour tenir la route. Si vous accélérez fort, vous partez en glisse tout de suite. Il faut donc beaucoup doser l’accélérateur et être très doux. Il y a également beaucoup d’inertie. Si vous prenez un vibreur un peu fort, vous sentez tout de suite le poids, les cinq tonnes et demi, qui vous emmènent assez loin dans le virage. Et il faut énormément d’anticipation. Le turbo, vu qu’il est énorme, met un certain temps à se charger donc si vous souhaitez la puissance à un endroit X, il faut commencer à accélérer peut-être 15 mètres avant le point de corde. C’est donc assez particulier en termes de pilotage. Si l’on est trop formaté voiture, ce n'est pas évident de s’habituer. Il y a enfin un gros paramètre qui concerne la gestion du refroidissement des freins. Ils sont en fait refroidis par eau. Pour ce faire on emmène deux cent litres d’eau pour les courses et on en consomme autour de cent cinquante. Plus vous refroidissez vos freins, plus l’eau part en vapeur, laquelle a ensuite tendance à aller sur les pneus. Les pneus sont du coup un peu plus humides et ont ainsi tendance à glisser. Il faut donc trouver le juste équilibre entre refroidir suffisamment mais pas trop sous peine de glisser exagérément.

Qu’est-ce qui est le plus difficile dans la discipline ?

Les départs, car l’on est tous collés les uns aux autres. Or c’est un moment capital car étant tous limités à 160 km/h en ligne droite, c’est au départ que tout se joue, c’est là que l’on gagne le plus de places. En voiture, vous voyez devant au travers la lunette arrière des concurrents qui vous précèdent sur la grille. En camion, on ne voit que la cabine de celui de devant, on n’arrive pas à deviner les lignes de devant, et ça c’est assez impressionnant sur les premières courses qu’on dispute. On découvre au dernier moment s’il y a un accrochage par exemple.

Sur quoi se joue la différence de niveau entre le championnat de France de la spécialité et son homologue européen ?

En Europe, les teams disposent de budgets plus élevés, et beaucoup sont des équipes professionnelles qui n’ont que la course pour activité. Nous, nous avons tous un métier à côté. Mais courir en Europe est toujours très motivant, cela tire toute notre formation vers le haut, car il ne faut y négliger aucun détail.

Quel est le plus beau meeting de courses camions ?

Jusqu’alors, on a toujours dit que c’était le Nürburgring en Allemagne mais Le Mans est petit à petit en train de le rattraper, voire de le supplanter, de l’avis de tous les pilotes. Ces deux événements ont bien développé toute l’activité autour de la course, et proposent comme un salon professionnel avec tous les constructeurs, les équipementiers. Aussi tous les teams ont à cœur de montrer une superbe image et amènent des structures plus belles, il y a du même coup beaucoup plus de public. C’est un cercle vertueux.

Quel a été l’apport des biocarburants dans votre discipline et notamment de l’HVO 100 fourni par TotalEnergies en Championnat d’Europe de la spécialité ?

En France, nous avons été la première équipe à tester le HVO 100 et à l’époque nous ne savions pas à quoi nous attendre. Je me souviens, les ingénieurs Man qui suivent notre camion, étaient venus spécialement pour l’occasion, or nous avons tous été agréablement surpris car le camion ne fumait plus du tout à performances égales. Et les ingénieurs en question ont même pu nous augmenter la puissance moteur disponible grâce à l’apport du HVO 100. Ce n’est donc que du positif ! L’émission de fumées noires, c’était le gros point noir des courses de camion il y a encore cinq ans, maintenant ce sont des choses que l’on ne voit plus du tout, plus personne ne fume et tout le monde y a gagné en performances.